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La fin du rêve merveilleux

Les visages des adultes, autour de moi, sont empreints de gravité. Les femmes pleurent. Le mot de " guerre ", (" Hady " en malgache,) passe sur les lèvres.

Je pense, maintenant, que nous étions en mai 1940. Le contingent militaire, auquel appartenait mon père, ne part plus en France. " C’est inutile " dit-on, la guerre est perdue. Par contre, des troupes partent à Diego-Suarez, à la pointe Nord de l’île, et mon père part avec eux. " Il faut être sage pour faciliter la tâche de ta maman ". Ce sont des phrases que tous les aînés ont entendues…Que la vie paraît grave…

D’autant plus qu’un de mes grands-pères, qui m’entourait beaucoup, qui m’apprenait l’anglais, et qui me faisait même lire un psaume, chaque jour, nous quitte, pour aller rejoindre sa paroisse à l’île Maurice : il était pasteur anglican. Je ne suis pas du tout sûr d’avoir aimé lire des psaumes, mais je sais, jusqu’à maintenant que la présence de mon grand-père m’était indispensable et j’en ressentis un véritable déchirement…

L’éloignement fut d’autant plus cruel, que nous n’eûmes plus de nouvelles : le courrier fut interrompu entre Madagascar, resté fidèle au gouvernement de Vichy, et l’île Maurice appartenant au " British Commonwealth ". Pourquoi ?

C’est la voix des armes britanniques qui vint apporter la raison, le 6 mai 1942. 20.000 soldats britanniques occupèrent l’île, pour qu’elle ne tombât pas entre les mains des puissances de l’Axe. La France fidèle à Vichy, se défendit, et ce fut la guerre. Je découvris certains aspects de la guerre.

Je fus effrayé par la brutalité de l’occupation. Les officiers britanniques ne contrôlaient pas le pillage auquel se livraient leurs troupes d’origine africaine : les Kenyan Rifles…

La population malgache des villes et des campagnes craignait particulièrement les brutalités de ces hommes noirs, qui se comportaient comme pour se venger des injustices subies ailleurs. Je fus choqué, aussi, par les contraintes policières subies par les pasteurs missionnaires britanniques, devenus suspects aux yeux des services de sûreté français.

Que dire encore de cette découverte de la guerre ?

Ce fut la douloureuse stupéfaction d’apprendre une mort au combat : d’abord celle du père de mon camarade de jeux, parti quelques jours auparavant, confiant malgré son désuet fusil Lebel. Qu’allait-il faire contre les innombrables mitrailleuses de l’infanterie britannique ?

Quelques jours après, ce fut un célèbre pilote de Raid, mobilisé depuis le début des hostilités, qui disparut, en combat aérien, aux commandes d’un avion surclassé en nombre et en armement par les chasseurs britanniques : c’était Jean Assolant.

En août 1942, des français meurent sous les balles britanniques, sur cette terre lointaine, qui, finalement, n’appartiendra ni à la France, ni à la Grande Bretagne. Dans le même temps, en Europe, français et britanniques s’allient pour défendre une terre commune. Au fur et à mesure que les années passent, l’incohérence de cette guerre franco-britannique de 1942 ne fait que croître…dans mon esprit…

En novembre 1942, les troupes françaises succombèrent sous le nombre de leurs adversaires, le gouverneur général Annet, accepta l’armistice, et malgré ses convictions fidèles au gouvernement de Vichy, remit l’île au gouvernement de la France Libre.

La logique des Alliances fut, enfin, retrouvée pour une finalité commune. Mais le bilan des pertes apparut, quand même, bien lourd. Environ 500 combattants français tombèrent sur la terre malgache. La Marine française perdit un croiseur auxiliaire et un sous-marin. L’aviation perdit une grande partie de ses appareils….