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La porte de la vie

1951, fin de l’année scolaire : je veux intensément acquérir un métier. C’est la marque de l’homme adulte, conscient de ses responsabilités de citoyen et aspirant à la dignité d’une place dans une société.

Mais que puis-je faire ? Je viens de réussir au baccalauréat de philosophie. Il n’y a aucune université, aucun institut de métiers dans ma ville natale où je réside.

Il faut, à tout prix, obtenir une bourse d’études universitaires en France. La solution idéale est d’entrer, par concours, dans une grande école à vocation universitaire, après le préalable indispensable d’un succès à une propédeutique.

Deux propédeutiques s’offrent à mon choix : la première année de Droit et le diplôme de Physique, Chimie et Biologie.

Je réussis : le voyage gratuit aérien Tananarive-Paris et 12 traitements mensuels de 20 000 francs C.F.A soit l’équivalent de 4000 francs français de nos jours me sont offerts.

J’entre à Toulon, à l’Ecole annexe de Médecine Navale, pour préparer la 1ère année de Médecine auprès de la faculté de Montpellier et le Concours d’Entrée à l’Ecole principale du Service de Santé de la Marine de Bordeaux. Je vais me consacrer corps et âme à cette double préparation.

Le 1er octobre 1954, j’éprouve la première grande joie de ma vie, car je suis reçu au concours et à l’examen de faculté, et je franchis le porche d’une grande école en même temps que la porte de l’Université.

Quarante cinq années après, le sentiment d’avoir franchi, ce jour-là, la porte de la vie reste intact et me paraît inaltérable.

Bordeaux, son université, son Ecole de Santé Navale m’ouvrent sur la vie. Je sors d’un tunnel, sans échappatoire latérale, que je ne remonterai à rebours, que plus tard, à la retraite pour retrouver le passé. Pour le moment, je prends en main, la vie qui s’offre à moi, au fur et à mesure que le temps que je perçois, s’écoule.

C’est le temps nouveau, où tout change : premier écho dans ma caisse de résonance. Je découvre la démarche intellectuelle de l’agrégé de l’Université : la délimitation et la définition du sujet qui est développé, la recherche étymologique dans les termes utilisés, l’approche maximale de la réalité, jusque dans l’image et dessin, la synthèse et la conclusion qui répondent à la définition.

Je comprends progressivement, très progressivement, il est vrai, les stimulants de l’intérêt intellectuel, c’est-à-dire les grands thèmes de réflexion propres à chaque discipline qui jalonnent la recherche, et qui font la " vraie culture " même lorsqu’on a l’impression d’avoir tout oublié.

J’apprends qu’il faut étayer la connaissance spécialisée sur des données générales. Tout part des généralités, et tout revient aux généralités lorsque la pensée se dissout.

Je vais acquérir, aussi, le sens de l’éthique et la conscience d’une droiture morale à toute épreuve, et de tout instant dans la vie professionnelle. Je poursuivrai cette réflexion morale dans le respect de tout ce qui doit être respecté : sa propre personne bien sur, mais surtout la personne d’autrui et enfin la loi.

La loi ne vient pas au 3ème rang, mais reste sur le même front que les 2 autres préoccupations, tout en me persuadant qu’il ne faut jamais se mêler de faire soi-même sa propre justice, mais il faut toujours faire appel aux instances juridiques.

C’est enrichi de toutes ces notions que je vais prôner l’importance de la relation humaine et mettre mon savoir au service des autres.

Ce long exercice m’amènera souvent à relire le passé, pour vivre le présent. J’aurai cette sensation agréable d’assurer une continuité, de vivre un temps qui dure, et donc, de maîtriser ma vie…

Et spontanément, j’ai perçu intérieurement un appel à témoigner, de ce que j’ai ressenti.

Je sentis que le temps décisif était arrivé :

La décision, d’être moi aussi, un témoin et de le dire…..

Bayonne, le 18 août 1999